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Ça veut dire quoi au juste "Un système d’éducation performant"?

Mise en garde: Ce billet fait directement référence à celui de Mario... Il fait aussi référence à ma réalité professionnelle... Ce n'est pas une réponse, ni à Mario, ni à personne (même si j'interpelle plus ou moins directement Mario!). Ce billet, c'est juste un gros paquet de questions. Mais des questions importantes! Il fallait que je sorte certaines inquiétudes/réflexions de mon système. C'est sorti comme ça. À vous de voir si ça vous interpelle...

La lecture du texte de Mario dans lequel il proposait que nous ayons les leviers nécessaires pour mettre en place un système d'éducation performant m'a beaucoup fait réfléchir. Je l'ai lu à deux reprises... Je ne parlerai pas ici de sa proposition de leviers. Franchement, il a peut-être raison, ce sont peut-être des leviers intéressants, mais je crois qu'il a mal choisi son combat et l'arène vers laquelle il s'est dirigé (mais ça, c'est une autre question...) Avant d'effectuer les changements qu'il propose ou d'exploiter les leviers qu'il suggère, je crois simplement qu'il faut se poser des questions plus pragmatiques, mais combien fondamentales!

Établissons d'abord un point de départ, je partage l'opinion de Mario quant à l'amélioration de notre système d'éducation depuis cinquante ans et à l'attitude (positive!) qu'il faut adopter à son sujet.

Nous avons plusieurs raisons d’être fiers de notre système d’éducation et il faut surtout éviter de sombrer dans le pessimisme ambiant qui nous renvoie l’image d’un Québec qui n’avance pas en éducation. Certes nous pouvons faire mieux, avancer plus rapidement, mais il faut voir et apprécier le progrès réalisé depuis une cinquantaine d’années !

Et quel progrès!

C'est justement parce que nous avons un bon système d'éducation que je pense que l'on devrait se poser quelques questions importantes avant d'envisager des changements majeurs. Il ne faut jamais réparer ce qui n'est pas brisé! (J'ai lu ça dans un livre sur le design pédagogique, mais je ne retrouve plus la référence... De toute façon, c'est tellement évident!)

Ceci étant dit, je fais aujourd'hui le souhait que l'on questionne l'idée de la sacrosainte réussite. On parle partout de la persévérance scolaire et de l'obtention des dîplomes. C'est devenu comme une religion. Les gens veulent à tout prix le diplôme sans toutefois se questionner sur sa pertinence pour eux. Mario cite par exemple Égide Royer

Avec des taux de décrochage comme ceux que nous affichons, il convient de modérer notre enthousiasme. Il n’y a pas si longtemps, Égide Royer répétait à qui voulait l’entendre que près d’un garçon sur trois et d’une fille sur quatre n’obtenaient pas leur diplôme du secondaire avant 20 ans.

Il cite plus loin un collègue de l'UQAC, Michel Perron

Le taux d’obtention d’un diplôme de cinquième secondaire chez les moins de 20 ans est passé de 68,6 % en 2008 à 74,8 % aujourd’hui, a souligné le chercheur de l’Université du Québec à Ch....

On parle souvent de réussite en terme de diplôme...

Mais est-ce que réussite éducative veut nécessairement dire DES ou DEC ou Bac? Depuis quand "réussite éducative" est-elle synonyme de diplôme? Ça veut dire quoi "réussite éducative" et ça se mesure comment? En nombre de diplômes?

Est-ce ça la mission de l'école? Une usine à diplômes?

Et si le problème n'était pas dans le système, mais en marge du système? Si le bobo c'était qu'on essaie trop souvent de faire entrer des cubes dans des trous circulaires? Peut-être qu'on pousse juste un gros paquet de jeunes dans la mauvaise direction? Peut-être que le problème réside dans le fait qu'on oriente pas assez les jeunes ou qu'on les oriente dans la mauvaise direction, vers le mauvais cheminement.

Tous par là! Vous devez obligatoirement obtenir un diplôme pour réussir!

OOPPS! Dans ce cas, changer le système mis en place depuis cinquante ans ne ferait probablement rien de bon...

Avec le temps, j'ai l'impression qu'on a un peu dégradé la valeur des diplômes parce qu'on accorde tellement d'importance au foutu diplôme qu'on a poussé un paquet de gens à aller là où ils n'auraient peut-être pas dû.

Je vais vous dire une vérité désagréable à entendre, notre système d'éducation est rempli d'étudiants qui ne sont probablement pas à la bonne place. Connaissez-vous le principe de Peters? Et bien ça ressemble un peu à ça. Les principes de base et les corolaires sont les mêmes. Rendu au niveau universitaire (donc en haut de la pyramide ou de la hiérarchie!), c'est particulièrement évident.

Si Peter avait écrit à propos de l'éducation au Québec aujourd'hui ça aurait peut-être ressemblé à ceci (je vais paraphraser Wikipédia): (ATTENTION: Je m'amuse là... J'exagère volontairement... On garde le sourire et on ne panique pas! Surtout les étudiants!)

L'évolution du cheminement académique dans les hiérarchies éducatives dépend de principes simples desquels on peut facilement déduire des corolaires aussi très simples.

Principes de base : * un étudiant compétent à un niveau donné est promu à un niveau académique supérieur ;
* un incompétent à un niveau académique donné n'est pas promu à un niveau supérieur ni rétrogradé à son ancien poste.

Corollaires : * un étudiant ne restera à aucun des niveaux académiques où il est compétent puisqu'il sera promu à des niveaux hiérarchiques supérieurs ;
* par suite des promotions académiques, l'étudiant finira (probablement) par atteindre un niveau académique auquel il sera incompétent suite aux pressions de son environnement ou du système;
* par son incompétence à ce niveau, l'étudiant aura de la difficulté à obtenir son diplôme, il aura besoin de plus de temps et occupera ensuite un emploi associé à ce dernier niveau académique, niveau pour lequel il était incompétent.

C'est juste de l'humour, mais avouez que ça illustre assez bien le danger de mesurer la réussite en terme de diplôme et de mettre la pression sur le système pour qu'il diplôme plus de jeunes plus vite.

Dans ce contexte, comment se surprendre qu'autant de jeunes n'arrivent pas à diplômer dans les temps... Dans l'extrait suivant, Mario cite un récent manifeste sur l'éducation...

Des progrès encourageants ont été accomplis, mais il subsiste toujours un bloc important d’élèves qui ne franchit pas le secondaire. Le taux annuel de décrochage suit une tendance générale à la baisse, mais il demeure élevé, soit 15 % en 2012-2013. Cette situation affecte également le niveau collégial où les étudiants parviennent très difficilement à compléter leur formation dans les délais prévus. À titre d’exemple, en 2010, le réseau collégial avait réussi à diplômer 37,9 % des étudiants à la formation préuniversitaire et 35,6% à la formation technique dans les délais prévus.

Posons-nous vite la question de la réussite éducative avant de faire des changements... Ça veut dire quoi réussir? Est-ce que tout le monde doit avoir le même diplôme pour réussir? Est-ce qu'on accorde trop d'importance au DES, au DEC et au BAC? Valorise-t-on assez les cheminements professionnels et les autres cheminements alternatifs?

Le système éducatif québécois est bon... Si on pouvait juste reconsidérer ce que veut dire "réussir" on prendrait nécessairement de meilleures décisions. Et là, à ce moment, les leviers de Mario deviendraient peut-être plus intéressants pour une majorité.

pgiroux

Auteur: pgiroux

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Commentaires (2)

Normand Lamothe Normand Lamothe ·  29 septembre 2015, 4:20:32 PM

Votre observation sur le fait que notre système d'éducation est rempli d'étudiants qui ne sont probablement pas à la bonne place est particulièrement frappante.

Je me demande si quelqu'un a déjà fouillé cette hypothèse, car elle devrait être une des grandes questions à se poser quant aux réformes à entreprendre.

Je fais le lien d'ailleurs avec le Forum auquel votre ami Mario participait cette fin de semaine, notamment le discours de Madame Groshomme. Elle faisait remarquer que le cours de plus populaire à Berkeley concerne l'application du design thinking à la vie personnelle des étudiants.

C'est dire le besoin qui existe pour les étudiants de mettre de l'ordre dans leurs priorités et de moduler l'ensemble de leurs actions. Et pourtant l'on parle d'une université prestigieuse qui accepte des jeunes déjà bien alignés sur ce qu'ils recherchent et comptent faire dans la vie.

Je ne sais pas, mais il me semble que vous soulevez un point important.

Merci.

Patrick Giroux Patrick Giroux ·  29 septembre 2015, 5:04:22 PM

Merci pour votre réaction. Je suis bien heureux de savoir que je ne suis pas le seul à penser que le débat sur la notion de réussite est nécessaire...

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