PédagoTIC

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Quand l'incompréhension a une tribune...

Intégration des TIC : Steve Jobs blâme les syndicats

Je vais sortir de mes habitudes et parler un peu d'actualité, mais pas TIC, juste éducation... C'est que je veux absolument en jaser avec mes étudiants.

Ce matin, j'ai lu deux nouvelles (merci aux nombreux blogueurs québécois qui me les ont présentés...) dans lesquelles deux personnes, tout à fait incompétentes en ce qui a trait à l'éducation, ont profité de leurs tribunes pour dire des âneries au sujet de l'éducation... Voici donc ce que j'en pense. J'ai bien hâte d'en discuter avec mes étudiants, tous de futurs enseignants!

Numéro 1: Steve Jobs

Selon le Star-Telegram, il a dit que les TIC ne pourraient pas améliorer l'école tant que les directeurs d'école n'auraient pas le droit de mettre les mauvais enseignants à la porte... Cette remarque idiote s'inscrit dans le cadre d'une intervention contre les syndicats, intervention qui ne m'intéresse que parce qu'elle parle des TIC! C'est complètement idiot car l'amélioration de l'école ne passe pas nécessairement par les TIC. C'est utile. C'est un outil puissant. Mais ce n'est rien de plus! Ce n'est pas une panacée...

Quand Jobs dit que l'amélioration de l'enseignement passe par plus d'intégration des TIC, il fait un "pitch" de vente! Des parents vont le croire sans réfléchir car il est Steve Jobs. Ils mettront ensuite de la pression sur le système pour que l'on augmente la présence des TIC (achat = $) et leur intégration dans l'enseignement (formation des technicien et des enseignants = $).

Quand Jobs dit que c'est la faute des enseignants, il fait un "pitch" de vente pour faire oublier que le matériel informatique et les logiciels sont toujours conçus pour s'adapter à toutes sortes de situations mais rarement spécifiquement à l'enseignement. Comme plusieurs personnes travaillant du côté informatique plutôt que du côté éducation, il ne comprend pas bien le contexte, les besoins et ne réalise pas que, souvent, les produits que l'on nous offre sont inutilisables! Il veut que l'on signe le chèque avant de se rendre compte que le matériel n'est pas toujours bien adapté et que ce sera aux écoles de l'améliorer, à LEUR frais! Et qu'est-ce qu'il en coûte? Du temps, des efforts, des $$$...

M. Job, un enseignant n'a pas à être bon en technologie pour être un bon pédagogue... J'accepte que les TIC soient potentiellement utiles et que le taux de pénétration dans la vie de tous les jours en fasse un élément obligatoire dans la formation des jeunes. Cependant, la compétence des enseignants n'est que l'une des barrières à l'intégration des TIC. Il y a aussi la disponibilité des TIC, la possibilité de se former, la possibilité d'avoir le temps de développer du nouveau matériel, la qualité du soutien informatique offert aux enseignants et la qualité des produits ainsi que le degré de cohérence entre ce que ces produits peuvent faire et les besoins réels des enseignants... Et je n'ai gratté que la surface!

Un autre lien à ce sujet. (21-02-07)

Numéro 2: Mme Elgrably, journal de Montréal

Dans cet article, publié dans le journal de Montréal, Madame Elgrably propose des solutions susceptibles d'améliorer la qualité de l'éducation. Le problème, c'est qu'elle ne maitrise pas le sujet et n'a pas idée de ce qui a déjà été tenté et avec quelles conséquences. Bref, même si ses intentions sont certainement louables (améliorer le système d'éducation, c'est toujours une bonne idée!), elle parle sans savoir.

Je ne discuterai pas directement de la question de la permanence... Je suis un peu d'accord. J'ai cependant des réserves importantes que j'expliquerai ici bas.

L'idée de récompenser les plus méritants est certainement intéressante. Je suis d'accord. Je veux cependant donner mon opinions en ce qui a trait au moyen d'opérationnaliser cette idée. Dans les faits, c'est presque impossible. Vous proposez deux examens standardisés... J'ai déjà discuté de ce sujet avec des collègues américains qui m'expliquaient que plusieurs enseignants avec qui ils travaillent étaient devenu des spécialistes des examens standardisés. Leurs enseignements étaient devenu très spécifiques et leurs étudiants réussissaient toujours très bien. L'enseignement était cependant tellement spécifique qu'il était plein de trou... Pourquoi favoriser un apprentissage particulier s'il a très peu de chance d'être évaluer?

Une parti du problème réside dans l'ampleur des programmes. Les enseignants doivent enseigner la grammaire, la syntaxe, les mathématiques, les sciences, les TIC, l'histoire, la géographie, la santé... Qui peut juger de ce qui est important et doit être évaluer et de ce qui l'est moins?

Une autre partie du problème réside dans la nature des objectifs d'apprentissage. On admet maintenant que de savoir une chose n'est pas suffisant, il faut savoir comment l'utiliser! Et là, votre évaluation standardisée n'est plus possible. Désolé! Il y a tellement de contextes différents et de façons différentes d'utiliser chaque connaissance que je me demande comment on pourrait en arriver à un examen standardisé qui soit valide.

Une troisième faiblesse à l'idée de l'évaluation à l'aide d'examen standardisé est que tous les enseignants ne travaillent pas dans le même contexte et le contrôle de toutes les variables afin de rendre possible la comparaison est pratiquement IMPOSSIBLE. Chaque salle de classe est un système dans lequel interagissent une multitude de variables comme le statut social des parents, leur niveau d'éducation, la qualité de la relation entre les parents, la nutrition, le climat, les outils disponibles à l'école, les croyances des directeurs et des enseignants, les règles de l'école, le nombre d'apprenants par classe, les caractéristiques de chaque apprenant du groupe, etc. Pour notre plus grand malheur, les variables qui interagissent dans un contexte ne sont pas nécessairement les mêmes que dans un autre contexte. Encore pire, un évènement X aura un impact positif (par exemple la motivation des apprenants) dans le premier contexte et négatif (découragement) dans le second... D'évaluer la performance des apprenants dans le but de la comparer pour juger de la performance des enseignants est, dans ce contexte, tout à fait ridicule. C'est une mesure indirecte et très imprécise...

L'apprentissage et la réussite à un examen, c'est deux choses distinctes, liées, mais distinctes. La qualité de l'enseignement n'est malheureusement pas le seul déterminant de la réussite des apprenants à un examen standardisés. Dès lors, des examens standardisés ne sont pas des moyens fiables pour juger de la qualité du travail de l'enseignant. Parce qu'en plus, les enseignants ne font pas qu'enseigner. C'est un métier complexe qui a plusieurs aspects. Chaque enseignants a des forces et des faiblesses. Comment évaluer chaque aspect de la tâche d'un enseignant. Lequel est le plus important? Pourquoi juger les enseignants plutôt que le système qui n'utilisent peut-être pas chaque enseignant en fonction de ses compétences particulières?

Ce n'est pas une question de solidarité. Je suis d'accord avec le principe de la rémunération en fonction de la performance. Mais, en tant qu'éducateur et acteur du système d'éducation, je m'oppose tout de même à votre solution. Elle est injuste, imprécise, invalide et infidèle... Recommencer vos devoirs Mme Elgrably. Vous avez obtenu un "E" pour avoir négliger plusieurs aspects du problème et ne pas l'avoir considérer dans toute sa globalité. Échec flagrant!

pgiroux

Auteur: pgiroux

Restez au courant de l'actualité et abonnez-vous au Flux RSS de cette catégorie

Commentaires (0)

Les commentaires sont fermés


no attachment



À voir également

Visioconférence ou visiocommunication?

À l'heure où nous nous préparons les cours de l'automne qui seront vraisemblablement "à distance", je vous propose une petite réflexion que j'avais initialement inclue dans ma thèse de doctorat. Le contexte actuel la rend intéressante je crois.

Lire la suite

Clair 2020 - Table ronde

Présentation de la table ronde de Clair 2020.

Lire la suite