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Table ronde sur les MOOC à l'émission "Pas de midi sans info" de la première chaine de Radio-Canada

Je n'avais pas pensé à la date jeudi dernier quand j'ai accepté de participer à l'émission "Pas de midi sans info" de la première chaine de Radio-Canada. Pendant une seconde ce matin, j'ai eu un doute et je me suis demandé si ce n'était pas un poisson d'avril très élaboré... J'y ai pensé trois secondes et j'ai décidé qu'il valait mieux se préparer! :-)

Je sais d'abord qu'on m'a contacté à cause de ce billet dans lequel je laisse entendre que je ne pense pas que la part la plus importante de la population soit prête pour les MOOC. J'aurais dû être plus précis, et parler des cMOOC...

Ainsi, je dois d'abord distinguer deux types de MOOC.

En premier lieu, il y a eu les cMOOC. Réellement ouverts. Réellement sociaux.

Dans un cMOOC, il y a un point de départ, c.-à-d. un sujet et des objectifs. Il y a ensuite un groupe de participants intéressés par le sujet. Ce ne sont pas nécessairement des étudiants inscrits à l'université... C'est souvent des professionnels enthousiastes qui désirent réfléchir à une problématique ou se familiariser avec de nouvelles choses potentiellement utiles dans leur travail. Il y a ensuite un initiateur du cMOOC. C'est souvent un petit groupe de spécialistes ou d'enthousiastes reconnus par la communauté intéressée par le sujet du cMOOC. Il s'agit souvent d'universitaires, mais ce n'est pas toujours le cas. Dans un cMOOC, l'évolution, les directions prises, les réalisations et les moyens utilisés dépendent du groupe. Les cMOOC sont grandement sociaux, décentralisés, organisés autour de la communauté des participants, de leur forces, de leurs motivations et le de leurs besoins. Le cMOOC est aussi grandement décentralisé. Les participants utilisent différents médias pour créer des liens et se réseauter. Fil Twitter avec un hastag (mot clic), page Facebook, billets de blogues et agrégateurs communautaires de fils RSS, wiki... Tous les participants n'utilisent même pas nécessairement les mêmes outils et ne sont conséquemment pas nécessairement tous liés ensemble et réseautés avec l'ensemble du groupe. Selon les gouts et préférences, selon les liens existants avant, certains sous-groupes risquent de se former. Dans un cMOOC, l'initiateur propose souvent du matériel, des questions de départ, mais l'ensemble du groupe participe et échange. La part de contrôle attribué à l'initiateur est relativement peu importante. Le succès du cMOOC réside dans les liens et les échanges et dans la puissance de l'intelligence collective et de la capacité de la communauté à faire des liens et à s'enrichir mutuellement. Le cMOOC est donc fondé sur des théories ou des approches récentes de l'apprentissage comme le socioconstructivisme et, surtout, le connectivisme. Les cMOOC permettent souvent aux participants de se créer un réseau plus riche et de s'engager dans des démarches d'apprentissage tout au long de la vie. Ils ressortent du cMOOC avec un environnement personnel d'apprentissage fonctionnel. Les cMOOC misent donc sur la grande disponibilité de l'information dans notre monde contemporain et l'existence d'outils de communication et d'échange rapides, gratuits et efficaces pour placer les participants dans un contexte où ils ont le contrôle de leurs apprentissages.

Les xMOOC sont arrivés après. Les grandes universités ont repris le concept et l'ont adapté à leurs besoins. C'est du moins ainsi que j'interprète la situation. C'est des xMOOC que l'on entend le plus souvent parler depuis 12-15 mois. On en parle dans les médias, jouant ainsi le jeu des grandes universités. Dans un xMOOC, vous avez une université ou une entreprise reconnue dans un domaine qui, via l'un de ses spécialistes, offre un cours ouvert à tous pour lequel il n'y a pas ou peu de soutien offert et généralement pas de crédit ou de reconnaissance. Le spécialiste rend simplement disponible son contenu à un très grand nombre gratuitement. Le xMOOC n'est pas ouvert au sens où les gens pourront contribué de nouveau contenus et influencer le déroulement du cours. Il est ouvert au sens de "porte ouverte à tous"! Il n'a y pas de partage de contrôle. Certains parlent d'un modèle d'affaires à pallier dans lequel on peut payer et obtenir des crédits. Le plus souvent, c'est des "lectures" (cours magistraux, conférences) déjà existantes que l'on rend disponibles en ligne. Le spécialiste est donc le contenu. il y a peu ou pas d'interactions et d'échanges. Les fondements pédagogiques dominants sont donc ceux de l'enseignement magistral et de la production industrielle en grand nombre. Plutôt que de donner un cours dans un auditorium à 300 personnes, on le donne sur le Web à 5000 personnes. Les xMOOC m'apparaissent souvent n'être que du "bling bling", un truc pour attirer l'attention. La valeur pédagogique est souvent faible et le taux de complétion est souvent TRÈS faible. Néanmoins, comme le nombre d'inscrits est très important, les xMOOC ont tout de même un certain impact. Par exemple, imaginons un xMOOC auquel 5000 personnes s'inscrivent au départ. Si 10% des participants initiaux suit le cours jusqu'au bout, c'est tout de même 500 personnes! Dans certains domaines où l'expertise est rare, les xMOOC pourraient avoir un impact positif et réel. Malgré tout, je crois que c'est souvent plus un coup de marketing. De plus, le taux de rétention de l'apprentissage dans ce type de cours reste faible.

Les problèmes et limites associés à chaque type de MOOC sont nombreux. Je ne veux pas tous les discuter. Certains cherchent et testent des solutions maintenant... Certains abordent la situation avec un angle différent du mien. Je me limite donc à vous encourager à explorer la portion de mon DIIGO qui porte sur les MOOC...

À long terme, je ne crois pas que les xMOOC feront long feu. Ce que l'on sait de l'apprentissage et de l'importance de l'engagement, du partage du contrôle avec les apprenants et des interactions sociales associées à la distribution et la libre circulation de l'information me laisse croire que c'est le cMOOC qui a le plus de chance de s'imposer. C'est le modèle qui me semble le plus en avant. C'est le modèle qui constituerait un pas en avant.

Néanmoins, il y a un problème qui empêche selon moi les cMOOC de vraiment devenir importants et qui fera peut-être que c'est finalement les xMOOC qui domineront. Ce serait dommage, car ce serait à mes yeux un recul... Ce problème, c'est le manque de compétences informationnelles des gens. Comment profiter d'un cMOOC convenablement, comment trouver/indexer/analyser/juger/adapter/... les contenus partagés par d'autres et contribuer à notre façon en questionnant, proposant d'autres contenus et idées ou intégrant de nouvelles connaissances si on n’a pas les compétences nécessaires pour fonctionner dans cet environnement ouvert et immense qu'est le Web?

C'est la question que je vais soulever. Ce sera la nature de mon propos.

pgiroux

Auteur: pgiroux

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Commentaires (1)

François Guité François Guité ·  01 avril 2013, 10:42:35 AM

Quoique tu y fais allusion, Il y a sans doute lieu de préciser que le 'c' dans cMOOC tient pour 'connectiviste', et non 'canadien', comme plusieurs le croient. Évidemment, le connectivisme est né au Canada, d'où la confusion.

Bonne analyse, Patrick, même si je suis plus optimiste sur l'avenir des MOOCs, ou plutôt les descendants des MOOCs.

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