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Et si les "IF" pouvaient changer le monde

Dans une société où l’informatique est omniprésente, n’est-il pas indispensable d’en enseigner les rudiments dès l’école primaire? Vous serez probablement d'accord avec nous pour dire qu’il en va de soi. Par contre, le programme de formation de l’école québécoise ne contient, pour l’instant, aucun programme d’enseignement de l’informatique au primaire. Étudiantes en enseignement des mathématiques au secondaire, nous avons poussé plus loin notre réflexion en nous questionnant sur la pertinence de l’enseignement de la programmation en tant que telle. La programmation, dans le domaine de l’informatique, représente l'ensemble des activités qui permettent l'écriture des programmes informatiques. Le “codage”, la création de jeux vidéo, d’applications ou d’animations en sont des exemples. En plus de vous donner les avantages et les désavantages de l’enseignement de la programmation, nous avons pensé vous mettre en contexte en vous présentant l’homme sous le premier logiciel de programmation destiné à l’éducation. Nous vous décrirons aussi ce qui se fait dans les autres pays, en lien avec l'enseignement de la programmation, quelques avantages et désavantages et nous terminerons par vous donner une opinion plus personnelle de la situation.

Seymour Papert, l’homme derrière LOGO

Auteur du livre “Jaillissement de l’esprit : Ordinateurs et apprentissages" , il est aussi un des concepteurs du premier logiciel d’apprentissage de la programmation, le logiciel LOGO. Papert, mathématicien et informaticien, s'intéresse dès sa tendre enfance aux systèmes d'engrenages. Ces suites, qu’il qualifie d’enchaînements de causes à effet, sont responsables de sa grande compréhension des mathématiques. En effet, il arrivait à s’expliquer les concepts mathématiques complexes en se les illustrant à l’aide de systèmes de roulettes dentelées. Étudiant plus tard avec Jean Piaget (psychologue reconnu pour ses théories constructivistes) il se questionna sur la raison qui fît en sorte que les mathématiques fussent si faciles à ses yeux quand d’autres n'y comprenaient absolument rien. Il en est rapidement venu à la conclusion que le fait de contextualiser les notions mathématiques à l’aide d’images significatives lui rendait la tâche bien moins difficile. Il apporta alors un aspect affectif aux recherches de Piaget. C’est avec l’arrivée de l’ordinateur que Seymour Papert envisagea de l’utiliser comme une “machine à enseigner”. Faisant la relation avec le fait que l’on apprend une langue vivante en évoluant dans un pays qui la parle, nous arriverions à “parler informatique” dans une société qui comprend ce langage. C’est dans cet état d’esprit qu’il participa à la conception du logiciel LOGO en collaboration avec le MIT, (Massachusetts Institute of Technology ). Ce programme avait pour mission d’initier les jeunes à la programmation tout en utilisant un langage simplifié et plus adapté. Le programme, célèbre pour sa “tortue graphique”,permet aux élèves de se familiariser avec la programmation en guidant cette tortue à l’aide d’instructions simples. Bien que délaissé par le système d’éducation, le programme a continué d’être enrichi et l'on en compte maintenant plusieurs versions.

Dans les autres pays.

L’école québécoise ne parle peut-être pas encore de l’insertion de l'enseignement de la programmation informatique au primaire et au secondaire dans son programme pourtant, ailleurs, la situation est bien différente. Dans certains pays, la programmation informatique est une matière enseignée au même stade que les sciences, l’art, les mathématiques, etc. En Estonie, un projet (progeTiiger) visant l’enseignement de la programmation fut lancé en septembre 2012. Quelques écoles pilotes ont commencé l’enseignement des bases de la programmation en visant la formation de tous les enfants avec l'utilisation de logiciels utilisant un langage simpliste ou plus compliqué tels que Logo et Java. Au Royaume-Uni, le UK Department for Education prévoit introduire la programmation comme nouvelle matière dans son programme. Ainsi, les jeunes de cinq ans et plus apprendront à écrire et à tester des programmes informatiques simples, ils apprendront à organiser et à "stocker" des données tout en étant sensibilisés à la sécurité d’internet. « Au lieu d’avoir des enfants qui s’ennuient à apprendre à utiliser Word ou Excel avec des professeurs qui s’ennuient eux aussi, nous pourrions avoir des enfants qui dès 11 ans sont capables d’écrire des petites animations 2D en utilisant un outil du MIT nommé Scratch, avance le Ministère dans sa déclaration. À 16 ans, ils auront une compréhension des logiques que l’on n’apprend aujourd’hui qu’à partir de l’université et ils pourront écrire leurs propres applications pour Smartphones » (Fowler,2013). Cette nouvelle matière devrait prendre place d’ici septembre 2014. En Finlande, le gouvernement travaillait aussi, en 2013, à l’instauration de la programmation dans ses écoles primaires. La France, en pleine réécriture de son programme scolaire, se demande si l’instauration d’un programme d’informatique comprenant la programmation serait bénéfique pour les futures générations. Selon un document envoyé au Conseil Supérieur des Programmes, l’enseignement de l’informatique se limite à l’utilisation de logiciels déjà créés par d’autres alors qu’elle devrait être plus large et entourée des notions fondamentales et universelles rattachées à ce domaine. De plus, pour amener la programmation au primaire, la France a développé, elle aussi, sa propre petite carte programmable en "open source", l’Educaduino, qui permettra la réalisation de plusieurs projets intéressants dans un cadre scolaire.

Scratch...le projet et non le bruit!

Scratch est une implémentation visuelle et dynamique du langage de programmation Smalltalk basé sur Squeak qui utilise un langage très près du langage parlé. De plus, Scratch permet de ¨remixer¨ divers projets à l’aide de commandes simples. Il permet aussi la création de divers projets tels que des animations et des jeux. Il est fort intéressant et il comprend un didacticiel pour les premières créations. Selon l’article Designing a website for creative learning, Scratch permet la création ou l’amélioration d’anciens projets dans le respect et en permettant la coopération avec des jeunes, ou moins jeunes, d’un peu partout à travers le monde. L’utilisation de ce site en milieu scolaire permet de faire des liens entre la programmation, la réalisation de projet et différentes matières enseignées à l’école. Le jeune se servira de notions de base informatique (boucles, conditions, opérateurs booléens, etc.) qui permettront à un personnage de se déplacer, de disparaître, d’apparaître, ainsi de suite.

Des avantages pour des inconvénients

D’un côté, la programmation au primaire comporte plusieurs avantages. Tout d’abord, elle permet aux jeunes de s’approprier les bases du langage informatique et de se débrouiller avec les machines. Selon un billet écrit par M. Gilles Jobin, l’élève qui apprendra les rudiments de la programmation informatique développera un raisonnement logique tout en utilisant sa créativité pour créer de nombreux projets stimulants. Des outils tels que Scratch et Logo permettent aux élèves d’apprendre en réutilisant le travail d’autres personnes ce qui les oblige à utiliser une certaine forme de respect et une certaine éthique professionnelle. De plus, l’élève sera plus autonome et devra structurer son travail de manière efficace. Ainsi, il pourra achever ses tâches et mener le projet à terme. L’élève pourra aussi utiliser différentes notions reliées à plusieurs matières. Un aspect intéressant que peut amener la programmation informatique à l’école serait l’apprentissage de la méthode d’essais et d’erreurs si peu utilisée en contexte scolaire. La compétence "résolution de problèmes" ,présente dans le programme de formation de l'école québécoise, est touchée de près dans la programmation informatique, car l’élève doit trouver ses propres erreurs et de les corriger.

D’un autre point de vue, les inconvénients de la programmation scolaire au primaire peuvent paraître nombreux. Premièrement, selon M. Gilles Jobin, les enseignants utilisent les ordinateurs comme outils, mais ne savent pas programmer et ils connaissent encore moins le fonctionnement de ces machines. Les mauvaises expériences vécues par différents élèves et enseignants entravent la perspective de l’arrivée de la programmation informatique dans le programme de l’école québécoise autant que la lourdeur de ce programme. Ensuite, la programmation scolaire effraie plusieurs enseignants par sa complexité et parce qu’il peut être difficile de trouver des solutions à des problèmes auxquelles on ne connaît pas la réponse.

Et nous, on en pense quoi?

Il va de soi que la mathématique et l’informatique sont deux domaines extrêmement liés. Il est donc facile pour nous de nous positionner en faveur de l’enseignement de la programmation. Dû au fait que notre société évolue dans une ère d’avancement technologique, nous pensons sincèrement que l’élève doit devenir un acteur de cette évolution. De simple spectateur, il doit devenir créateur de progrès. Puisque le fait de maîtriser l’art de la programmation permet à l’élève de développer sa créativité, sa logique et son autonomie et l'amène à se créer un échéancier et à rechercher une certaine forme de perfection, nous porte à croire que son enseignement serait bénéfique à nos élèves. D’un autre côté, nous ne pensons pas qu’il est possible de remplacer tous les cours de mathématiques par des cours de programmation. Certaines notions demeurent, à nos yeux, difficiles à expliquer à l’aide de la programmation. De plus,puisque le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, nous demande, par le bien du programme de formation de l’école québécoise, de passer à travers un programme déjà chargé, nous trouvons qu’il serait difficile de planifier des situations d’apprentissage simplement à l’aide des outils de programmation. À ce sujet, nous pensons que le programme de formation de l’école québécoise doit être repensé en fonction d’y inclure l’enseignement de la programmation à l’école. En ce sens, la formation des maîtres devrait inclure un volet d'enseignement de la programmation. Alors, à l’enseignement de la programmation nous disons : oui, mais dans des conditions favorables et bien précises.

Conclusion

“ C’est une certitude profondément ancrée dans notre culture que pour pouvoir goûter la beauté des mathématiques et connaître un plaisir mathématique il faut appartenir à une minorité, probablement très réduite, de la race des mortels.” (Papert, 1981), voilà ce que pense Seymour, Papert. Pour lui, l’arrivée de l’ordinateur permettait de sensibiliser la société au langage mathématique et, par le fait même, de rendre cette science plus accessible au grand public. Il prônait que l’enseignement de la programmation dans les écoles aurait pour impact d'amener les enfants, même d’âge préscolaire, à maîtriser la machine en apprenant à programmer l’ordinateur. Convaincu qu’en enseignant la programmation à l'école l’élève allait se créer une vision des mathématiques propre à lui, facilitant ainsi sa représentation mentale des mathématiques, il créa le programme LOGO. Ce programme allait, selon lui, révolutionner l’enseignement moderne. Utilisant un langage plus simpliste que les logiciels conventionnels de programmation, il était destiné à être utilisé dans les établissements scolaires. Plus de 30 ans plus tard, le programme n’est toujours pas utilisé à des fins éducatives dans les écoles québécoises. Devrait-on enseigner la programmation dans les écoles du Québec? Plusieurs penseurs diront qu’il est plus que temps de commencer. Comme le disait Barack Obama dans un message s’adressant à la jeunesse américaine, "il est grand temps de former nos jeunes à devenir créateur. Pourquoi ne pas créer un jeu plutôt que d’en acheter un?" Pour y arriver n’est-il pas primordial de faire en sorte de former la génération afin de faire d’elle un pionnier de la technologie? Nous vous dirons : très certainement!

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Nous avons écrit cet article dans le respect du code d'éthique du blogueur et en suivant la procédure de rédaction pour les articles et les commentaires.

Nos sources

Papert, Seymour. (1981). Jaillissement de l’esprit: Ordinateurs et apprentissage. (Édition flammarion). New York: Jacques Perriault.

Monroy-Hernandez, Andres. (2009). Designing a website for creative learning. In: Proceedings of the WebSci'09: Society On-Line, Pdf. Repéré à lien

Touret, Louise.(2014). Plus de programmation à l'école, d'accord, mais on la cale où dans le programme?.Slate.fr. Repéré à lien

Dayot, Loïc (1998). Jaillissement de l’esprit, ordinateurs et apprentissages. Notes de lecture de Seymour Papert. Repéré à Lien

Boivin, Yann. (2010). Apprendre la programmation au enfants avec le langage LOGO. Repéré à Lien

Jobin, Gilles. (2012). L’apprentissage de la programmation informatique à l’école primaire et secondaire. Repéré à Lien

Resnik, Mitchel, ( EN collaboration avec le Lifelong Kindergarten Group au sein du MIT Media Lab). Scratch (Logiciel). 2012. Repéré à Lien

Fowler, Gordon. (2013). Le Royaume-Uni enseignera la programmation aux enfants dès cinq ans. Repéré à Lien

Duquesne, Margaux. (2013). Finlande : les élèves en écoles primaires vont apprendre à coder. Repéré à Lien

majonaka

Auteur: majonaka

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Commentaires (3)

etu60 etu60 ·  23 mars 2014, 2:33:13 PM

Votre article est très efficace et simplifie beaucoup de choses dans ma tête. La programmation a toujours été une bête noire pour moi et grâce a vous j'ai pu découvrir "le bon côté" de la chose.

Etu62 Etu62 ·  23 mars 2014, 7:55:03 PM

Merci de ce commentaire.

Nous voulions rendre ce sujet accessible.

Suzie Suzie ·  09 avril 2014, 1:16:02 PM

Bonjour à vous deux,

J'ai beaucoup aimé le ton de votre billet. Vous contextualisez bien votre sujet et vous nuancez votre position. C'était astucieux de situer la programmation par rapport au Québec, mais aussi par rapport à ce qui se fait ailleurs. Bravo!

Suzie

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