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Dieu que les choses allaient bien! - Les carnets Dédalus

Dieu que les choses allaient bien! - Les carnets Dédalus

Je recopie ici (depuis le blogue de Sacco) un texte publié dans la Presse... Un gros merci à Sacco pour nous l'avoir présenté. Encore un fois, j'étais passé à côté!

La Presse Forum, jeudi 15 juin 2006, p. A21 Dieu que les choses allaient bien! Halte à la réforme? N'oublions pas qu'autrefois, les élèves faibles doublaient ou rentraient à la maison

Turgeon, Marc

Monsieur le Ministre,

Je lis dans le joumal qu'on vous prête l'intention de vouloir sauver la réforme de l'éducation au Québec. Quelle mauvaise idée! Il ne se passe pas une semaine sans que les médias nous livrent quelques morceaux choisis mettant en lumière la décadence et la dérive de notre système scolaire depuis les funestes états généraux. Cela aurait normalement dû suffire à vous faire entendre raison. Voici donc quelques arguments supplémentaires qui devraient vous inciter à laisser tomber et à mettre vos énergies ailleurs.

Il y a plusieurs aspects de la réforme sur lesquels je ne vais pas m'attarder, mais qui indiquent bien le virage rétrograde pris par le Québec: une politique d'intégration scolaire, une politique de formation continue, le soutien aux écoles en milieux défavorisés et le virage interculturel en sont de bons exemples. La réforme a mené à la mise sur pied des conseils d'établissement et à la reconnaissance légale du droit des parents de se prononcer sur le projet éducatif de l'école. Pire que tout, si vous voulez mon avis, c'est l'augmentation du temps d'enseignement en histoire et en français et la déconfessionnalisation. Halte à la réforme!

La réforme a entraîné le renouveau pédagogique. Il y a trois bidules absurdes là-dedans. D'abord, les compétences. Quand je vais voir mon dentiste ou mon mécanicien, je ne veux pas savoir s'il est compétent, je veux savoir s'il a des connaissances. On ne va tout de même pas proposer une éducation dans laquelle le savoir doit être lié à l'acquisition de savoir-faire. Dans mon temps, on apprenait la date du massacre des missionnaires par les maudits sauvages et on ne se cassait pas la tête avec l'explication du massacre. On apprenait par coeur les tables de calcul, mais on n'a jamais tenu un outil dans nos mains pour fabriquer une maquette. Dieu que les choses allaient bien! Les niaiseux doublaient ou rentraient à la maison, les bollés faisaient des sciences ou du latin, les autres attendaient leur tour pour trouver une job dans la fonction publique et faisaient leur possible pour réussir l'examen du Ministère et tout oublier le lendemain.

(...)

Le deuxième bidule, c'est le socio-constructivisme. Oh boy! J'ai dans ma bibliothèque des dizaines d'ouvrages publiés par d'éminents académiciens chez des éditeurs prestigieux. Presque tous ces livres débutent par une préface dans laquelle l'auteur remercie tous les étudiants, les collègues et les amis qui, à l'occasion de collaborations professionnelles, de cours, de colloques ou d'échanges informels, ont critiqué les idées de l'auteur et l'ont aidé dans leur élaboration finale. Quels idiots! Ils pensent que les connaissances se construisent dans le cadre d'échanges intelligents et structurés. Alors moi, vous comprenez, les projets, le travail en équipe, l'exploration raisonnée qui permet de situer les connaissances et de se les approprier dans un contexte vivant... Très peu pour moi.

(...)

Le troisième machin que nous impose le renouveau, c'est l'évaluation des compétences. Si je comprends bien les documents parfois trop obscurs que le Ministère rend publics, il ne s'agirait plus d'additionner des notes cumulées au fil de l'année à la suite de devoirs et à d'examens, mais de donner une note (40 %, 60 %, 80 %) ou une cote (1, 2, 3... a, b, c...) qui permette de juger de la progression de l'élève dans l'utilisation qu'il fait de connaissances pour accomplir une tâche. Il paraît même que vos fonctionnaires essaient de développer des outils pour aider les enseignants dans le jugement sur la compétence manifestée par l'élève (compétence entendue comme un savoir allié à un savoir-faire si je suis bien).

(...)

Les détracteurs de la réforme de ce monde auxquels certains médias ouvrent grandes leurs pages et leurs ondes ont la bonne attitude: ils ne disent que ce qui leur permet de mettre en cause la réforme, ils dispensent parcimonieusement le droit de réplique, ne reviennent jamais sur un sujet pour l'approfondir ou corriger une erreur d'information et se réservent toujours le dernier mot. Un vrai ministre de l'Éducation devrait prêcher par l'exemple et faire de même. Bloquez la réforme, fermez-nous la trappe et joignez-vous au concert des médias qui nous annoncent la grande noirceur si on n'y retourne pas au plus sacrant.

L'auteur est doyen à la Faculté des sciences de l'éducation de I'UQAM et membre de la Table de pilotage du renouveau pédagogique. Le texte qui suit est extrait d'une lettre envoyée au ministre de l'Éducation Jean-Marc Fournier le 17 mai dernier.

pgiroux

Auteur: pgiroux

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