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Juste un cours sur les TIC avant d'être enseignant... Un seul! Est-ce que ça compte?

Le dernier numéro du ''Journal of Technology and Teacher Education'' contient un ou deux articles particulièrement intéressants.

Le premier article traite de l'impact d'un cours à propos des TIC sur la formation des futurs enseignants et est intitulé "The Impact of a Single Technology Course on Preservice Teachers". Dans le cadre de la recherche présentée, les auteurs se sont particulièrement intéressés à un programme de formation à l'enseignement dans lequel il n'y a qu'un cours dont l'objet soit les TIC. C'est spécialement intéressant, car c'est exactement la situation que je vis à Chicoutimi où il n'y a qu'un cours, et pas toujours obligatoire en plus!

Les résultats laissent croire qu'il y a une relation entre le niveau de compétence perçu et le fait de suivre un cours sur les TIC. Ce n'est cependant pas le cas pour l'attitude... Selon les chercheurs, le cours et les expériences antérieures des futurs maîtres seraient importants et faciliteraient la compréhension de l'utilité potentielle des TIC dans une salle de classe.

C'est encourageant pour moi qui suis exactement dans cette situation. Je n'ai que 45 heures de cours pour initier les futurs enseignants aux TIC et à leur intégration pédagogique. L'article ne nous indique cependant pas si le changement observé était suffisant... Après seulement un cours, même s’il y a un changement significatif, est-ce que les enseignants étaient suffisamment formés? Avaient-ils tous les outils nécessaires? Faites une lecture de la compétence 8 qui décrit les attentes vis-à-vis des enseignants en regard des TIC. Le niveau de compétences attendu des enseignants est TRÈS élevé. Un seul cours? Si je suis bien content de savoir qu'il est possible d'avoir un impact significatif, j'ai tout de même quelques doutes en regard du niveau des étudiants...

Sur une autre note, j'aimerais informer les lecteurs éventuels d'une limite de l'article. C'est d'ailleurs un problème fréquent dans les écrits sur l'éducation... Les auteurs de ce texte font preuves de beaucoup trop de confiance en eux en affirmant qu'il y a un lien de cause à effet. Ils parlent d'impacts... C'est même dans le titre! Bon, ils emploient aussi l'expression relations, mais le dommage est fait. Un lecteur moins bien informé des limites des statistiques et de la méthodologie de la recherche risque fort de ne remarquer que la partie forte du discours et pas la petite nuance... Comme la recherche a eu lieu In Situ (en contexte), il a été impossible pour les chercheurs de contrôler toutes les variables. Une variable "C" non contrôlée et mesurée pourrait facilement être liée avec la variable "B" alors même que les chercheurs croyaient observée la relation entre "A" et "B". Quand "A" et "B" varient simultanément ou presque, ça ne veut pas nécessairement dire que "A" est la cause de "B". C'est une faiblesse commune dans l'interprétation de la recherche en éducation où les chercheurs sont coincés entre faire de la recherche dans un laboratoire (perte évidente de validité externe!) ou dans le milieu où ils n'ont pas le contrôle nécessaire et ils sont limités à étudier des relations...

La portée et la force des résultats ne sont pas toujours telles que le vocabulaire employé peut le laisser croire. C'est une erreur commune dans les médias et, malheureusement, dans les écrits portant sur l'éducation.

pgiroux

Auteur: pgiroux

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Commentaires (7)

Michel Le Neuf Michel Le Neuf ·  04 septembre 2008, 1:06:25 PM

Je suis tellement content de lire ce bout où vous évoquez la manie qu'ont les chercheurs en éducation de déduire des relations de cause à effet là où la seule chose qu'on a observé c'est, comme vous l'illustrez si bien, que "A a bougé en même temps que B". L'exemple le plus éclatant des dernières années, c'est celui où on claironné partout que le redoublement était la cause du décrochage. Et vlan ! Je me suis fait ramasser chaque fois où j'ai dénoncé ce raccourci. Chaque fois je disais que ce que permettait de conclure cette information, c'était la possibilité que le décrochage et le redoublement soit deux effets d'une même cause. Si on avait pensé comme ça dès le départ, on aurait commencé par condamner le redoublement et `en rtestreindre l'exercice par voir réglementaire, on aurait plutôt investi dans les alternatives à mettre en place pour d'une part diminuer le redoublement ET augmenter la persévérance scolaire.

Enfin. Il faut que les cours de stats ça serve à autre chose qu'obtenir des crédits, sinon on se retrouve devant n'importe quelle recherche, la gueule à terre, comme un illettré devant un pasteur fondamentaliste extrême.

Bonne rentrée !

Le Neuf

Michel Le Neuf Michel Le Neuf ·  04 septembre 2008, 1:10:29 PM

Juste une correction au commentaire précédent. Je pense que c'est plus lisible écrit ainsi. S'cusez !

"Si on avait pensé comme ça dès le départ, on n'aurait pas commencé par interdire le redoublement par voie réglementaire"

Patrick Giroux Patrick Giroux ·  04 septembre 2008, 1:46:34 PM

C'est malheureux, mais les chercheurs en éducation, les journalistes, les décideurs et le public en général ne sont pas toujours formés en méthodes quantitatives, en statistiques et en logique. Conséquemment, ils ne saisissent pas toujours les limites des méthodes de recherche. La nuance entre une relation et la causalité est pourtant importante. Autre élément important, beaucoup de gens semblent se croire spécialistes en éducation et se permettent de faire de la recherche dans ce domaine. Des chercheurs spécialisés dans d'autres domaines qui ne comprennent pas toujours les finalités et les spécificités de ce domaine de connaissance. S'il est vrai qu'ils peuvent souvent nous aider à comprendre, il est aussi vrai qu'ils refont des erreurs que nous essayons d'éviter depuis des années et que nous aurions pu leur éviter. À mon grand malheur, ils réussissent tout de même à publier leurs résultats! Un exemple!? Facile! Des chercheurs de tous les domaines s'improvisent spécialistes en TIC et continuent de juger de la pertinence des TIC en comparant des formations traditionnelles avec un cours supposément équivalent donner à distance via le Web, la vidéocommunication ou autres en se limitant à comparer les notes ou le degré de satisfaction des apprenants. Clark et Kozma ont pourtant vidé ce débat et cette question au début des années 80. Les TIC sont des outils!!!! Elles ne sont pas bonnes ou mauvaises, c'est ce que vous en faites qui détermine le succès de la formation en lien avec les caractéristiques des apprenants, le contexte, les apprentissages à faire...

Piouf! Respire Pat ! (Ça va te faire du bien!)

Perso, j'ai compris la différence entre un lien et la causalité dans un cours de philosophie du Cégep portant sur la logique... Le prof nous avait expliqué que, lorsque "A" précède toujours "B", la présence de "B" seule ne permet pas de conclure à l'existence de "A". Nous avions passé des dizaines d'heures à travailler les lois de la logique. Les exemples et les explications de l'enseignant m'ont marqué.

Martin Bérubé Martin Bérubé ·  04 septembre 2008, 3:34:34 PM

Alors pourquoi lesdits outils ne sont-ils pas utilisés en dehors du 45 heures de cours? C'est outils devraient être utilisés pendant toute la formation initiale des futurs maîtres dans des contextes où ils seraient utiles! Mais, ce n'est pas parce que la majorité des futurs enseignants font une utilisation cléricale des TIC (pour eux même) qu'ils vont pour autant les utiliser en classe AVEC les élèves.

Est-ce qu'il faut compter sur la formation continue pour faire du rattrapage?

D'ailleurs, qui doit se préoccuper de la formation continue des maîtres? L'organisation pour laquelle ils et elles sont à l'emploi? Ou, devraient-ils ou devraient-elles prendre en main leur formation continue comme le recommande la compétence professionnelle No 11?

Beaucoup de questions. Mais, ce serait plaisant de trouver des éléments de réponse en communauté.

Patrick Giroux Patrick Giroux ·  04 septembre 2008, 11:28:12 PM

Pour ma part, je parle aux étudiants du besoin de se mettre rapidement dans un mode d'autoformation. Je leur présente des outils qui pourraient les aider. Je tente aussi de favoriser l'intégration des TIC par mes collègues ou d'encourager ceux que je crois être capable de motiver. J'ai, de plus, plusieurs collègues jeunes et très ouverts qui font eux-aussi des efforts pour intégrer les TIC, même si ce n'est pas nécessairement leur priorité...

Il m'apparaît par contre évident que l'Université ne pourra pas générer un changement seule. Les CS et les enseignants devront s'impliquer sérieusement pour qu'un changement réel se produise...

Karine Karine ·  21 septembre 2008, 10:31:10 PM

Bonjour Patrick,

Effectivement un seul cours sur l'utilisation des TIC est trop peu pour notre formation et est surtout placée trop tard ( fin troisième année). Par contre dis-toi que toutes les informations que tu nous as fourni nous sont toujours très utiles et la plupart d'entre nous (en particulier moi), nous te serons toujours redevable!!!

Certains croiront que tu n'as pas de mérite puisque c'est un cours obligatoire à notre formation, pourtant, tu as su nous montrer ce qui était pratique pour nous et tu as eu vraiment un impact significatif sur notre façon de travailler. Bref, un seul cours sur les TIC... Oui ça compte, même beaucoup et c'est certainement mieux que pas de cours du tout!

Patrick Giroux Patrick Giroux ·  22 septembre 2008, 8:00:52 AM

Merci pour les encouragements Karine!

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