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Impacts des TIC sur la motivation et les compétences en écriture

J'ai récemment terminé la lecture du livre suivant :

Huot, Hamers, Lemonnier et Parks (2009). Les technologies de l'information et de la communication (TIC) à l'école secondaire. Québec (Qc) : Les Presses de l'Université Laval.

Ce livre présente une recherche s'intéressant aux effets de l'intégration des TIC au secondaire sur l'apprentissage du français et de l'anglais. Les chercheurs se sont plus particulièrement intéressés (1) au déroulement de l'intégration, (2) à la motivation et aux attitudes des élèves à l'égard de l'apprentissage et (3) à la qualité des produits (écriture). Ils décrivent plusieurs effets des TIC et de la pédagogie par projet. Selon cette recherche, les effets les plus importants des TIC seraient plus en lien avec la motivation et l'attitude qu'avec l'écriture. J'ai cependant des doutes sérieux à émettre... Les auteurs présentent aussi dans leur conclusion plusieurs réflexions intéressantes quant aux implications pédagogiques de cette recherche en ce qui a trait à l'intégration des TIC, à la pédagogie et à l'apprentissage du français et de l'anglais.

L'un des aspects importants de cette recherche est sont originalité. Elle est originale de plusieurs façons. Tout d'abord, il s'agit d'une recherche longitudinale à propos de l'intégration des TIC. Cela a, entre autres, permis aux chercheurs de distinguer les effets à courts et longs termes. Bien que l'on soit en 2010, les études longitudinales à propos de l'intégration des TIC sont toujours rares. Ce type de recherche est difficile à mettre en place. Pour les milieux les exigences de la recherche rendent souvent la collaboration à long terme lourde et contraignante. Ensuite, le financement est rarement au rendez-vous pour ce type de recherche.

Cette recherche m'apparait ensuite originale parce qu'elle compare quatre conditions ou situations : un programme dans lequel tous les apprenants ont un portable et qui mise sur une pédagogie par projet, un programme misant (différemment) sur l'intégration des TIC sans favoriser une approche pédagogique particulière, un programme qui mise sur une approche pédagogique par projet sans systématiquement intégrer les TIC et, finalement, un programme qui ne favorise à priori ni TIC, ni approche pédagogique particulière. L'observation et la comparaison de ces conditions ont permis de distinguer certains effets des TIC et de l'approche pédagogique par projet.

Cette recherche est aussi originale parce qu'elle s'intéresse aux compétences en écriture autant en français qu'en anglais. De plus, on a imaginé une grille d'analyse qui semble aller beaucoup plus loin en terme de détails que les recherches antérieures. On arrive donc plus précisément à décrire les effets des TIC et de l'approche pédagogique par projet sur l'écriture.

Il y a cependant quelques limites importantes à souligner. J'ai déjà dit que ce type de recherche est contraignant pour les milieux. Pour l'une des conditions étudiées, il a été impossible de collecter des données pour toute la durée du projet. Pourquoi? C'est nébuleux... Il demeure que certaines comparaisons entre les conditions n'ont donc pas pu être réalisées pour la seconde moitié du secondaire. La collecte des données pour l'une des conditions a aussi eu lieu après celles des autres conditions. L'actualité, de nouvelles règles ministérielles, du nouveau matériel pédagogique ou des nouvelles formations offertes aux enseignants ont-ils influencé les données? Ensuite, pour l'une des conditions, les groupes de participants n'ont pas toujours été les mêmes. Les nouveaux participants étaient-ils vraiment l'équivalent statistique des premiers? Comme il n'est pas question de hasard dans le choix des participants, on peut en douter... Ensemble, ces limites soulèvent donc plusieurs questions. Elles ont aussi obligé les chercheurs à multiplier les analyses statistiques. En statistique, on tente généralement d'utiliser le moins de tests possible afin de diminuer les erreurs. Ajoutez à cela que les chercheurs ne nous parlent pas de la puissance de leurs tests et qu'ils ont choisi un test parfois critiqué (LSD) et vous comprenez déjà mieux l'importance de ces limites et la difficulté associée à la poursuite de recherches longitudinales.

Une autre limite m'apparait importante dans cette recherche bien que les chercheurs en aient fait peu de cas. Le protocole de passation des épreuves d'écriture empêchait les apprenants de la première condition, ceux qui utilisaient leurs portables chaque jour dans toutes leurs activités, d'utiliser leur principal outil... Malgré cela, ils ont bien performé du point de vue de l'écriture. Ils n'ont cependant pas clairement dominé. Pour certains aspects, d'autres apprenants performaient mieux. Est-ce qu'on a empêché les étudiants des autres conditions provenant aussi de programme dans lesquels on pratique la sélection d'utiliser les stratégies développées tout au long des premières années du secondaire? Et si les épreuves avaient permis à tous les jeunes d'utiliser des ordinateurs? Les résultats auraient-ils été similaires? Je crois que non. Je questionne l'équivalence de l'écriture informatique et de l'écriture papier-crayon. Les procédés mis en ouvre par les apprenants, les compétences et habiletés qu'ils mobilisent sont-ils les mêmes lorsqu'ils écrivent à l'aide d'outils informatisés que lorsqu'ils écrivent sur du papier avec un crayon? Je suis convaincu que non. Les apprenants habitués à utiliser des outils informatiques tout au long de leur secondaire pour structurer leurs pensées et leurs textes auraient probablement mieux performé avec l'aide de leurs outils informatiques que dans une épreuve sans ordinateur. On leur a, après tout, retiré l'outil qu'ils utilisaient quotidiennement depuis 4 ans pour structurer et organiser leur pensée. Je suis déjà impressionné qu'ils aient mieux performé sous certains aspects.

Dans l'ensemble (et malgré mes critiques précédentes), j'ai trouvé la lecture du livre intéressante. Chaque chapitre est plus ou moins indépendant des autres puisqu'ils traitent chacun d'un aspect de ce projet (voir le premier paragraphe). Chaque chapitre présente donc son cadre théorique et son approche méthodologie propre. Le tout n'est pas trop lourd, sans être imprécis. Le cas échéant, des références plus détaillées sont proposées aux lecteurs qui désireraient plus de précisions. J'ai, par contre, trouvé agaçant que l'on répète continuellement certaines choses. Ainsi, au chapitre trois, on nous réexplique les 4 conditions et le contexte. Bien qu'il s'agisse du troisième chapitre, on nous fournit même quelques explications nouvelles à ce sujet en plus d'y faire référence en utilisant des acronymes différents. Ce qui était commun aux trois chapitres aurait peut-être dû faire l'objet d'un chapitre ou d'une section commune...

Tout au long du livre, les auteurs présentent beaucoup de résultats. Les conditions de l'intégration des TIC sont abondamment décrites, tout comme les effets des TIC et de l'approche pédagogique par projet sur la motivation, les attitudes en regard de l'apprentissage et le développement de compétences en écriture (français et anglais). Outre mes commentaires précédents à propos des tests, j'ai noté que les tableaux et les résultats étaient toujours présentés similairement à l'intérieur d'une même section. Cela rend la lecture plus facile. Les auteurs semblent avoir choisi de se concentrer sur les grandes lignes et les résultats finaux ou directement en lien avec leurs nombreuses hypothèses. Ce faisant, ils ont mis de côté plusieurs éléments qui m'apparaissent importants. Par exemple, l'attitude des apprenants variait parfois de manière importante entre deux années pour une même condition, mais on ne fournit aucune explication ou hypothèse aux lecteurs. On ne discute pas de cet aspect des résultats. Cette variation est-elle une aberration? Est-ce explicable par l'arrivée d'un nouvel enseignant ou d'autre éléments du contexte? Autre exemple, les attitudes vis-à-vis de l'apprentissage de l'anglais semblaient très souvent supérieures aux attitudes par rapport à l'apprentissage du français? Plus loin, la progression au niveau de l'écriture me semble aussi plus importante en anglais. Pourquoi? Au fil de mes lectures, j'ai émis l'hypothèse que c'était peut-être lié au stade de développement des compétences. Alors qu'en ce qui a trait à l'apprentissage du français les apprenants du secondaire sont déjà relativement compétents et ont atteint un stade où chaque nouvel apprentissage est plus fin, moins important ou moins frappant en terme de progression, la courbe d'apprentissage de l'anglais pour ces apprenants est encore à ses débuts et les apprentissages sont alors associés à des progressions frappantes et beaucoup plus perceptibles. Certains aspects des données présentés me semblent donc avoir été négligés.

Malgré mes critiques, je souligne les efforts des chercheurs. Mené un projet aussi important est très exigeant et l'on rencontre nécessairement des embuches importantes. Je suis heureux d'avoir ce livre sous la main. Il est rempli de références intéressantes et de données originales. Il m'a aussi amené à me questionner par rapport à plusieurs détails. Comme je suis aussi chercheur, ce livre m'a ainsi été déjà très utile.

pgiroux

Auteur: pgiroux

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